Selon Dominique Pire, le premier palier du Dialogue Fraternel est l’action en commun : « Pour être unitive, une action doit être réalisée ensemble, sur un terrain commun, par des gens différents ». Les 27 et 28 mars 2004, l’Université de Paix a proposé un module de formation pour tisser des liens entre les générations en construisant des projets qui rassemblent différentes tranches d’âge, « pour construire des ponts entre les générations ».
Un article initialement publié dans le trimestriel n°86, en 2004.
L’intergénérationnel : un peu d’histoire
Au cours des dernières décennies, nous avons assisté, dans les pays occidentaux, à une augmentation considérable de l’espérance de vie, d’une part, et de l’autre à une diminution des quotients de fertilité, avec pour résultat un accroissement important de la population âgée. Par ailleurs, les structures familiales ont beaucoup évolué, parallèlement à l’urbanisation, l’industrialisation et l’indépendance économique des personnes âgées dans les années 50 : on passe de la famille étendue de type “large” à la famille réduite de type “allongé”, avec 4, parfois 5 générations qui se côtoient et des rôles qui se cumulent (je peux être à la fois fille, mère, petite-fille…).
Parallèlement à ces mouvements démographiques et à ces changements de structure familiale, on a assisté à l’émergence d’états-nations de plus en plus interventionnistes dans l’organisation de la vie collective. En conséquence, les solidarités familiales ont été remplacées progressivement par des solidarités publiques.
Cependant, la crise économique des années 80 a provoqué un affaiblissement des solidarités publiques et les familles sont à nouveau sollicitées pour amoindrir l’impact négatif des politiques d’austérité. On assiste donc à une relance des solidarités individuelles, familiales et de proximité, et certains y voient l’indice d’une réhabilitation de la famille et d’une plus grande prise de conscience des citoyens responsables dans le cadre d’une démocratie plus directe.
Faut-il tempérer cet enthousiasme ? Les solidarités privées sont encore trop peu nombreuses et trop limitées pour qu’on puisse prétendre qu’elles remplacent avantageusement les solidarités publiques. D’autre part, ces solidarités “nouvelles” ne pèsent-elles pas trop, matériellement et psychologiquement sur une génération-sandwich que nous représentons ?
“Sans une réflexion en profondeur sur les moyens concrets d’articuler les pratiques privées et les politiques officielles, il y a donc fort à craindre que le fossé ne se creuse davantage et qu’on puisse continuer à désigner ironiquement l’intergénérationnel comme un “gadget d’animation sociale”…
Ce qui compte donc dans notre action, outre le fait de mettre des générations en présence, c’est surtout que cette action ait un impact sur la vision que chacun a de sa place dans le continuum des âges de la vie. “Une véritable solidarité générationnelle ne sera possible que si chaque génération reconnaît dans l’autre un moment évolutif et fondateur de sa propre existence, en ôtant toute inflexion pathétique à un concept qui aspire à être un projet de société, et non une pieuse évocation de bons sentiments.”
Un exemple : la généalogie à l’école
Le projet « Généalogie à l’école » a eu lieu au cours de l’année scolaire 2001-2002. Des élèves de 5ème primaire réalisent leur arbre généalogique ou aident un enfant de la classe à réaliser le sien. Ils étaient guidés par des aînés formés ou expérimentés en généalogie (certains suivaient une formation à l’Université des Aînés). Il y a eu huit rencontres qui se sont achevées par une exposition ouverte aux familles, aux enfants de l’école, aux amis. Lors de cette exposition, les enfants ont présenté leur travail ; l’arbre généalogique personnalisé (chacun avait choisi un thème pour son arbre : les ballons, les fleurs, les fusées…), l’arbre réalisé sur ordinateur à l’aide d’un logiciel, une exposition d’objets anciens, le carnet de bord réalisé en classe dans lequel ils avaient mis en forme toutes les étapes, toutes les démarches effectuées pour construire leur arbre.
Quels étaient les objectifs visés ?
Le premier objectif était que les générations en présence s’échangent des savoirs et des savoir-faire dans la réalisation d’un projet commun. Dans ce projet il y avait trois générations : les enfants, les aînés, l’institutrice et la coordinatrice de l’association Réseau Générations Solidaires (qui représente la génération intermédiaire).
Le second objectif était de permettre à chaque enfant de construire son arbre et/ou de s’approprier la démarche de recherche généalogique pour pouvoir accéder à ses racines, à ses origines.
Réaliser un tel projet met en présence de nombreux partenaires autour de la question des générations, ce qui représente un 3ème objectif : activer un réseau de professionnels. Le Cercle d’Histoire d’Ottignies, Géniwal, l’école de Lauzelle, Réseau Générations Solidaires et d’autres encore, plus ponctuellement. La participation de tous était vraiment importante pour faire aboutir ce projet.
Une évaluation de cette action a été menée par Réseau Générations Solidaires auprès des aînés et des enfants, avec la collaboration de l’institutrice. C’était très positif aussi bien pour les uns que pour les autres : le courant était passé, les idées toutes faites dépassées. Les aînés ont découvert l’école d’aujourd’hui, la pédagogie nouvelle, l’enthousiasme des enfants, les nouvelles familles (divorcées, recomposées…)
Les enfants, de leur côté, ont appris beaucoup de choses sur les aînés, sur leur famille… « Quand j’ai fait mon arbre, j’ai découvert plein de petites anecdotes rigolotes et même parfois mignonnes. Par exemple, qu’une de mes grand-mères adorait sucer des boules au citron… »