Françoise Renier a suivi le Certificat en gestion positive des conflits avec les jeunes. Elle nous livre aujourd’hui son témoignage.
Qu’est-ce qui vous a plu particulièrement dans ce programme ?
J’ai particulièrement apprécié d’expérimenter des techniques d’animation, avec un groupe : il y a un monde de différence entre comprendre une animation et la vivre. L’expérience est beaucoup plus complexe, joue sur différents registre, ouvre à sa propre réflexion. Lors de la formation, nous recevions également à la fin de chaque thème un dossier pour aller plus loin, avec de nombreuses références intéressantes, bien choisies. Cela m’a fortement stimulé.
J’ai trouvé aussi que nous étions pris au sérieux comme adultes : par la richesse et la pertinence du contenu proposé et par la dynamique à laquelle nous étions invités. Nous avons joué le jeu à fond.
Que retirez-vous de cette expérience, d’un point de vue tout à fait personnel ?
Personnellement, j’ai beaucoup approfondi ma réflexion, je me suis dotée d’outils, j’ai fait une synthèse de mon expérience et donc acquis un regard modifié sur la gestion des conflits. Je ne me sens pas du tout « arrivée » comme si la réflexion pouvait être close un jour ou l’autre. Au contraire, la dimension humaine nous invite à toujours être ouverts à écouter un point de vue autre. Mais il y a des tendances, des régularités dans la vie sociale et cet approfondissement m’a permis de diversifier ma manière d’aborder les conflits.
Utilisez-vous vous-même l’un ou l’autre outil de médiation proposé dans votre quotidien ? (Vous sentez-vous plus à l’aise face à la gestion de conflits avec des jeunes, ou dans l’éducation de ceux-ci, etc.)
J’utilise beaucoup la croix de Barry Hart [cf. vidéo des attitudes en conflits] avec les jeunes et le livre de Véronique Guérin « A quoi sert l’autorité » avec les futurs enseignants à qui je donne cours de « phénomènes de société » ainsi que la réflexion sur les règles et les sanctions. Des outils comme le Desc [travaillé en assertivité], plutôt leur « esprit » mais sans me dire formellement que je passe par les différentes étapes…
Voyez-vous une différence de comportements, des changements, chez vous, ou chez les enfants dont vous vous occupez ?
La vie est trop complexe pour isoler l’influence qu’aura eue la formation… Mes enfants ont entre 20 et 8 ans. Tout bouge tout le temps. Je ne me sens en tous cas pas la maman parfaite ni la prof parfaite. Disons qu’il n’y a eu de grande casse et que je me sens outillée par rapport à ce que j’ai à faire.
Auriez-vous une anecdote, un petit récit ou autre à nous partager par rapport à votre expérience ?
Je pense à une anecdote qui m’a marquée lors d’un atelier qui s’appelait « non-violence » où j’utilisais la croix de Barry Hart pour sensibiliser aux différentes stratégies utilisées en cas de conflit.
J’avais un groupe d’une douzaine d’élèves. Parmi eux, les « cas difficiles » des élèves de 4ème. Entre autre, deux copains qui sont ensemble en classe et en dehors de l’école et semblent très soudés, mais qui dérangent régulièrement les cours et les autres élèves, ne respectent souvent pas les règles, font des coups en douce, par derrière… Les autres les craignent et les profs s’en méfient. Ils sont, à mes yeux, en permanence dans un rapport de force avec les autres. Ils s’étaient inscrits d’eux-mêmes à mon atelier. Je forme le cercle, présente rapidement les objectifs et leur propose une mise en situation pour démarrer la réflexion. Il me faut deux volontaires qui sortent. Ils se proposent tous les deux. J’accepte que l’un des deux sorte et je choisis comme 2ème un autre du groupe qui s’était également proposé. Le jeu de rôle consistait à former un groupe à l’intérieur du local : ils avaient la consigne de ne pas intégrer les deux autres car leur groupe voulait rester « entre eux », ne pas être dérangé etc. Les deux élèves sortis avaient pour consigne de prendre leur place dans le groupe. Le ‘jeu’ est devenu rapidement « musclé », ils en sont arrivés aux mains en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Cela restait du jeu mais avec ce qu’ils sont… Et ce qui s’est passé c’est que les deux copains qui appartenaient pour le jeu de rôle aux deux groupes opposés se sont retrouvés les deux luttant le plus violemment l’un contre l’autre et, sans le vouloir, l’un des deux a envoyé une chaise dans l’œil de son copain. Cela ne m’était jamais arrivé ! On a tout de suite pris en charge l’élève blessé et il n’y a pas eu de problème par la suite. Mais il a gardé un œil au beurre noir pendant un bout de temps ! Et surtout ils se sont tous les deux rendus compte qu’ils avaient été pris au-delà ce qu’ils auraient voulu…. En fait cela a été terriblement révélateur alors que le geste n’était absolument pas dans l’intention de faire mal.