Et si la paix, ça commençait à l’intérieur de soi ? Ou comment réduire son stress et apprivoiser ses émotions par la pratique de la pleine conscience
Par Alexandre Castanheira – Animateur et formateur en gestion positive des conflits – Enseignant de pleine conscience MBSR (certifié ULB)
Depuis le début de l’année 2014, une sorte de révolution s’invite à l’Université de Paix. Pourtant les pavés sont toujours bien à leur place sur le trottoir à l’avant… Pas de slogans, de barricades, ou de calicots, en tout cas, rien de visible dans le bâtiment, mais c’est peut-être sans compter ce qui peut se passer lorsque nous décidons de porter notre regard à l’intérieur de notre conscience.
Car c’est là que se joue cette révolution, quelque part à l’intérieur de nous, au travers d’une intention délibérée de porter notre attention sur notre expérience d’instant en instant sans jugement. Et oui, c’est aussi « simple » que cela… s’arrêter et regarder quelle est mon expérience à cet instant présent… quelles sensations, pensées, émotions m’habitent ici et maintenant.
Et si nous essayions ? Peut-être en commençant par prendre conscience que vous êtes en train de lire ce texte, de tenir cette revue dans vos mains, observez les sensations du papier en contact avec vos doigts, observez les sensations de votre corps assis sur une chaise ou tout autre support. Et, à cet instant-ci, des pensées traversent peut-être votre esprit : peut-être des réflexions sur la manière dont cet article est rédigé, des jugements ou des commentaires sur la démarche qui vous est proposée et votre réalisation ou non de cette démarche… et il se peut qu’à cet instant précis tout cela éveille en vous diverses émotions : de l’amusement, de l’agacement, de la déception, de l’inquiétude, de la surprise…
Ca y est ! En réalisant cette expérience, vous venez d’entrer dans la pratique de la pleine conscience. En effet, ce qui s’appelle en anglais la mindfulness, consiste à porter son attention délibérément sur le moment présent, sans jugement, sans attendre quoi que ce soit, sans rien empêcher de traverser l’esprit, sans s’accrocher à ce qui s’y passe, sans faire quoi que ce soit pour modifier l’expérience qui se déploie d’instant en instant. En d’autres mots, pratiquer la pleine conscience, c’est en quelque sorte entrainer une capacité d’attention ouverte et bienveillante à notre expérience.
Une attention ? Et oui, il ne s’agit pas d’analyser, d’interpréter, de commenter notre expérience, mais plutôt de se limiter à l’observer, à l’éprouver. C’est en quelque sorte la différence entre manger un bout de chocolat en se disant : « c’est vraiment le meilleur chocolat du monde » et manger un bout de chocolat simplement en le goûtant, en étant attentif aux sensations olfactives, gustatives et autres qui se déploient d’instant en instant alors que je suis en train de le manger. Rien à nommer, rien à analyser, juste sentir, ressentir.
Une attention ouverte ? Petit à petit, la pratique de la pleine conscience développe une ouverture maximale du champ attentionnel portant sur l’ensemble de l’expérience personnelle de l’instant : je perçois ma respiration et des sensations corporelles, j’ai conscience des pensées qui vont et qui viennent dans mon esprit et de mon état émotionnel.
Bienveillante ? Du mieux que je peux, je me rends présent à mon expérience sans la juger. Et il se peut que j’observe que je passe mon temps à juger mon expérience, à la commenter, et c’est avec douceur et bienveillance que je peux alors observer cet automatisme du jugement. Ainsi lorsque je casse un verre en vidant le lave-vaisselle, je peux me traiter de maladroit et me sentir en colère, agacé d’avoir cassé un verre de plus et râler de devoir ramasser les morceaux ! En pratiquant la pleine conscience, je peux aussi observer qu’aussitôt le verre échappé de mes mains apparait dans mon esprit le jugement « maladroit » et noter les sensations corporelles de la colère se déployer en moi… et juste, du mieux que je peux, observer et accueillir que c’est mon expérience à ce moment précis, laissant le jugement traverser mon esprit sans m’y accrocher et le ressenti de la colère s’allumer puis s’éteindre de lui-même, sans juger, avec bienveillance. Peut-être alors qu’à ce moment précis où je m’arrête pour regarder cette expérience avec une attention ouverte et bienveillante, j’aurai un espace pour choisir quelque chose d’autre que la réaction habituelle de jugement, de colère et d’agacement.
Je sors alors de la réaction automatique pour répondre de manière créative et différente à l’expérience du verre cassé. Je développe par l’exercice de la pleine conscience une capacité à me relier d’une manière nouvelle aux événements de la vie quels qu’ils soient.
Car si l’exemple évoque ici un verre cassé, nos vies par contre connaissent parfois des tourmentes bien plus difficiles à aborder : le stress, la douleur, la souffrance, les maladies, les difficultés relationnelles, les conflits…
Pour apprendre à apprivoiser le stress et les émotions que nous vivons dans ces situations difficiles, il existe un programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience qui porte justement sur le renforcement de notre capacité à faire face aux tourmentes que nous rencontrons dans notre quotidien. Comme dit Jon Kabat-Zinn, « vous ne pouvez pas arrêter les vagues, mais vous pouvez apprendre à surfer ». Et c’est là que se situe la révolution intérieure de la pleine conscience, c’est de nous apprendre dans les situations stressantes, dans les situations difficiles, dans les situations conflictuelles tendues, à ne plus nous laisser nécessairement emporter par la vague (nos réactions automatiques, conditionnées, parfois répétitives et dysfonctionnelles), mais à ouvrir un espace, une pause, un stop, surfer la vague un moment pour choisir en conscience comment faire face, comment négocier au mieux la situation difficile qui se présente à nous, à cet instant précis, avec liberté et créativité.
Vous vous demandez peut-être comment « apprendre à surfer » en pleine conscience ? La pratique de la pleine conscience existe depuis plus de 2000 ans. C’est une capacité humaine universelle que chacun peut développer en fonction de ses possibilités. En Europe occidentale, la pleine conscience s’est fait connaitre du grand public via Thich Nhat Hanh, un moine bouddhiste, militant pour la paix, exilé du Vietnam vers la France en 1966. Puis, depuis quelques années, grâce au travail de Jon Kabat-Zinn [Au cœur de la tourmente, la pleine conscience (2e éd.), De Boeck, 2014] qui a mis au point un programme de réduction du stress basée sur la pleine conscience. Ce programme intègre plusieurs exercices d’entrainement de l’attention et de la concentration, essentiellement des méditations : assises, en marchant, en mouvement, couchées. Bien que l’entrainement de l’attention soit largement inspiré de la méditation Vipassana, Jon Kabat-Zinn a élaboré un programme tout à fait laïc. Cela se passe en 8 semaines et, à l’Université de Paix asbl, nous utilisons le programme de réduction du stress mis au point initialement par Jon Kabat-Zin et Saki Santorelli dans le cadre du Center for Mindfulness [Center for Mindfulness in Medicine, Health Care and Society] de l’Université du Massachussetts aux Etats-Unis.
Très concrètement, durant 8 semaines à raison d’un atelier d’environ 2 heures et demie à 3 heures par semaine, le programme propose aux participants un entrainement pratique à la pleine conscience. Outre les exercices mentionnés précédemment, chaque atelier développe un aspect spécifique de la pleine conscience avec un travail centré sur les réactions de stress au cours de la 4e séance et une exploration des réponses créatives aux situations stressantes au cours de la 5e séance. Cela permet de mieux comprendre nos fonctionnements en situation de stress et d’ouvrir la possibilité d’agir avec plus de liberté et de choix au cœur de ces situations.
La communication interpersonnelle… et le stress interpersonnel sont explorés aussi durant le programme. Favoriser plus de conscience de nos expériences dans la relation aux autres, apprendre à accueillir le point de vue de l’autre (ce qui ne veut pas dire s’y rallier) même s’il est diamétralement opposé au nôtre sont des aspects explorés. Sur ce thème d’ailleurs, un programme entièrement dédié à la communication est proposé en 2015, en 6 matinées.
Et quels sont les effets de ce programme de réduction du stress ?
Justement une particularité de ce programme est que, dès le départ, il y a eu une volonté d’en étudier les effets sur les participants. A ce jour, il existe des milliers d’études d’ailleurs sur le sujet dans des domaines très variés. Les principaux effets constatés sont pour l’essentiel :
- Une meilleure qualité de vie : relation à soi et aux autres
- Une diminution des douleurs chroniques
- Une diminution du stress et de la souffrance
- Une diminution de l’anxiété et des ruminations
- Une diminution des maladies liées au stress : sentiment de fatigue, insomnie, troubles alimentaires, …
- Une amélioration des capacités d’attention, de concentration et de mémoire
- …
De nombreux autres effets positifs ont été constatés dans bien d’autres domaines comme les assuétudes, la prévention de la rechute dépressive, les troubles de l’attention avec/sans hyperactivité, la fibromyalgie, etc.
L’expérience vous tente ? Expérimenter le passage du mode « faire » au mode « être » vous attire ? Et bien, vous pouvez commencer dès maintenant, à cet instant précis, notant votre expérience (sensations, pensées, émotions, sons…) à la lecture de la fin de cet article. Vous pouvez dès à présent choisir une activité de votre vie quotidienne où vous vous engagez à vous rappeler que vous ÊTES là, vivant, ressentant, présent à l’ensemble de votre expérience : en vous brossant les dents, avant de commencer une réunion de travail, dans une file d’attente, lorsque vous vous promenez, quand vous serrez quelqu’un que vous aimez dans vos bras… ou en mangeant votre prochain morceau de chocolat 😉
Vous pouvez aussi démarrer avec un cycle de 8 semaines à propos duquel vous trouverez plus d’informations sur notre page présentant nos modules de formations
Bon vent à vous !