Par Julie Duelz
Julie Duelz est formatrice à l’Université de Paix. Elle a contribué au développement de plusieurs programmes éducatifs de l’UP, notamment en maternelle.
Depuis quelques années, le nombre de demandes d’animation et de formation pour les équipes « maternelle » a véritablement explosé dans notre association. Les enseignants se retrouvent parfois démunis par rapport aux comportements des enfants (non-respect des règles, agressivité, coups…). Parallèlement, notre conviction, étayée par les recherches scientifiques, est qu’il est indispensable de commencer au plus jeune âge d’apprendre à entrer en contact, développer les habiletés sociales et gérer les conflits de façon positive.
En effet, selon les conclusions des nombreuses recherches menées par Richard E. Tremblay, l’enfant n’apprend pas à être violent par les médias et les jeux vidéo comme beaucoup le pensent : c’est dans la toute petite enfance que naissent les agressions physiques (dès le moment où l’enfant a la motricité pour se déplacer et taper, arracher, mordre…). Ce professeur canadien en pédiatrie, psychiatrie et psychologie a commencé sa carrière en prison, et s’est interrogé sur l’âge auquel prévenir ces actes criminels : quels que soient l’époque ou le pays, les recherches prouvent que le pic d’agressivité ne se situe pas à l’adolescence, mais entre 2 ans et 4 ans, et diminue progressivement jusqu’à 6 ans par la socialisation. Seulement, pour une partie des enfants, cette diminution ne se produit pas. Il est important de travailler avec les enfants dès la maternelle car c’est à cet âge que les programmes de prévention ont le plus de résultats.
L’enjeu de l’éducation en maternelle est donc d’apprendre à tous les enfants des moyens non violents pour obtenir satisfaction, le contrôle de soi, le développement du langage, la gestion des émotions, et de ne surtout pas lâcher les enfants qui sont les plus agressifs en se disant que cela va passer en grandissant.
Pour ce faire, il est indispensable de créer un climat de sécurité affective dans la classe. En effet, les enfants doivent se sentir en confiance dans leur classe, par le cadre et la bienveillance de l’enseignant ainsi que par les relations avec les autres enfants (travail de cohésion de groupe). Si ce n’est pas le cas, l’insécurité des enfants va contribuer à la mise en acte de l’agressivité.
A travers nos programmes éducatifs, nous proposons des pistes concrètes pour travailler la sécurité dans le groupe : par le cadre mis par l’enseignant, par sa manière de communiquer qui préserve l’estime de soi), par l’augmentation de la cohésion de groupe.
Sur base de ce climat de sécurité, l’enseignant pourra enseigner les habiletés sociales : les attitudes en conflit, la capacité à nommer et réguler les émotions, le développement de moyens non agressifs pour obtenir satisfaction, mettre sa limite, être créatif dans la résolution de conflits…
Malgré toute la bonne volonté de l’enseignant de maternelle à créer un environnement sécurisant et à développer les compétences sociales des enfants, il ne peut exclure totalement les agressions physiques qui correspondent au développement normal des jeunes enfants. Ceci permet de rassurer les professionnels tout en encourageant d’agir avec détermination parce que c’est aussi l’âge où la prévention est la plus efficace.
En 2019, l’Université de Paix prévoit de rédiger un ouvrage pédagogique directement destiné aux enseignants de maternelle.