Entretien avec Jean-Luc Tilmant : des écoles citoyennes pour prévenir la violence
Jean-Luc Tilmant est enseignant, psychopédagogue spécialisé en problèmes de violences à l’école et en institutions, auteur de 3 livres : Treize stratégies pour prévenir les violences à l’école (2004), Aider l’école à prévenir les violences : 12 stratégies (2006) et Le syndrome d’Harpocrate ou l’école démocratique ? (2008).
Propos recueillis par Christine Cuvelier, en 2010.
Si nous vous demandons de vous présenter en quelques mots, que diriez-vous ?
Pour tous nos amis de l’Université de Paix, je dirais que je suis un citoyen du monde, un humaniste, enseignant et psychopédagogue qui souhaite, comme un enfant, changer les vilains côtés de notre monde en travaillant essentiellement l’axe éducatif.
Quand on parle de violences à l’école, de quelles violences parle-t-on ?
Des violences spectaculaires dont la presse s’empare ? Des écoles qui flambent ? En pédagogie institutionnelle, nous parlons plutôt de la violence de l’école caserne dirigée par le dieu Harpocrate, le dieu du silence. Dans cette école on se tait et jamais on ne rentre en conflit ; on subit les sarcasmes, les vexations, l’incompétence et par-dessus-tout le manque de considération…
Les violences à l’école, comment ça marche ?
Prenez un jeune et placez-le dans un système où il sera frustré en terme de communication, de considération et d’acceptation, confrontez-le à des adultes déçus, peu motivés, irrespectueux, mélangez le tout et vous obtenez le cocktail explosif qu’on appelle : violence.
Les violences à l’école ont toujours existé, mais elles changent de forme. Quels sont les traits actuels qui vous surprennent le plus ?
A part notre société, rien n’a changé ! Mais je suis surpris du manque de lucidité de nos politiciens qui n’utilisent les experts que lorsqu’ils se trouvent dans une situation délicate pour leur pouvoir. En-dehors de ce cas de figure, ils travaillent à la petite semaine… Ce n’est pas comme cela qu’on dirige une société vers l’épanouissement de tous, un slogan que vous lisez pourtant sur toutes leurs affiches.
Quelle est l’ampleur de la problématique des violences à l’école ?
Les violences très spectaculaires restent très minoritaires dans nos pays occidentaux. Elles étaient bien plus graves au Moyen-âge ; de ce côté, nous avons évolué ! La violence institutionnelle plus sournoise est en augmentation car les professionnels sont de moins en moins bien formés !
Faire face aux injures, insultes, moqueries, cris, bousculades dans les couloirs, refus de l’autorité, petits larcins, dégradation des locaux, que faire ? Qu’est-ce qui peut faire la différence ?
Créer une école citoyenne dans laquelle on se parle, où tout se négocie sauf la LOI construite par tout le collectif. En bref, ce qui peut faire changer les choses, c’est la PAROLE.
Selon vous, quel lien peut-on faire entre votre travail et celui de l’Université de Paix ?
Vous PARLEZ ! Vous semez des valeurs au contact de tous vos interlocuteurs ! Vous êtes incontournable en matière de prévention ! Nous avons donc besoin de vous pour construire des écoles citoyennes !
Quel est le meilleur compliment que nous puissions vous faire ?
Me dire que je n’ai pas renié mon serment : celui de ne jamais faire subir à mes jeunes, ce qu’on m’a fait subir !
En quelques mots et en guise de conclusion, le mot de la fin pour vous, ce serait…
Je n’aime pas le mot de la fin, il me renvoie à l’angoisse de mort mais je vais faire un effort. Je voudrais avec toutes les bonnes volontés, les énergies positives et les associations humanistes renverser la logique de notre société ! Nous ne pouvons pas rester inactifs face à la souffrance d’autres humains au prise avec des institutions en déclin… Et si nous nous remettions au travail !