La place de l’enfant et de ses émotions

Cet article fait partie d’un dossier de fond relatif au développement d’une intelligence émotionnelle « positive » chez les enfants. Ce document a été produit par le Groupe de Travail « enfance » du Conseil académique en gestion de conflits et en éducation à la paix. Il est issu d’une réflexion ayant débuté en septembre 2015.

Plan du dossier

La convention internationale relative aux droits de l’enfant comme changement de paradigme

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant constitue un véritable changement de paradigme et ouvre de nouvelles perspectives éducatives et culturelles.

Ce texte a été adopté à l’unanimité par les Nations Unies le 20 novembre 1989. Il a par ailleurs été ratifié par l’Etat belge et la quasi-unanimité des pays de la planète. Cette ratification signifie que ce texte est applicable au sein de l’ordre juridique belge et qu’il est hiérarchiquement supérieur aux normes de droit interne belge. Il s’agit d’un texte qui tend à reconnaître l’enfant en tant que sujet. En droit, l’enfant né vivant et viable est sujet de droit. Dès sa naissance, il est enregistré, il est titulaire de droits, mais ces droits ne sont pas nécessairement exercés par lui, il n’a pas nécessairement la capacité d’exercice. Il est représenté par ses parents, ses administrateurs légaux. Sur ce plan, rien de nouveau.

La convention internationale va cependant plus loin et propose une refonte du statut de l’enfant. Elle postule en faveur d’une plus grande reconnaissance de la capacité d’exercice de l’enfant doué de discernement. En outre, elle remet en question la notion de l’intérêt de l’enfant. Conformément à l’article 3 de la Convention, l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir et doit être une considération primordiale. Antérieurement, la notion de l’intérêt de l’enfant était fondée sur des considérations générales et abstraites permettant aux adultes de parler au nom et pour le compte de l’enfant.

Avec l’avènement de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, il ne s’agit plus d’interpréter l’intérêt de l’enfant « in abstracto » mais « in concreto », c’est-à-dire en fonction de la réalité concrète de l’enfant, de ses besoins, de son ressenti, de ses émotions, de ses liens d’attachement, de son vécu, de son histoire, de son contexte… En ce sens, ce texte constitue une véritable révolution conceptuelle et propose de nouvelles pratiques pédagogiques, dont notamment l’intelligence émotionnelle.

La place de l’expression des émotions dans la relation éducative

Il existe des méconnaissances et freins chez certains enseignants par rapport à l’accompagnement émotionnel des enfants. Ceux-ci se sentent parfois démunis par rapport à l’attitude éducative à adopter par rapport au développement émotionnel des élèves.

La place de l’expression de l’enfant dans la relation éducative est en ce sens une question fondamentale. Pour Alice Muller [Muller, A., C’est pour ton bien : Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Aubier, 1985], il s’agit de développer un cadre qui donne une véritable place à l’individu et le responsabilise. C’est une question de liberté qui, pour elle, et au regard des droits de l’enfant, peuvent constituer un rempart par rapport à des pédagogies qui pourraient conduire au fascisme, rien de moins. En droit, il s’agit de respecter l’enfant sujet, l’individu enfant. En cas de rapt parental, en Belgique et en France, l’enfant ne devait autrefois être entendu qu’à partir de 12 ans, âge auquel il était considéré comme étant doué d’une forme de discernement. En Allemagne, l’enfant devait être entendu quel que soit son âge. Depuis lors, l’enfant est entendu plus tôt.

L’enfant a le droit de s’exprimer et d’être entendu. Au plus celui-ci pourra le faire dans un cadre propice à une expression positive, au moins il devra avoir recours à des comportements « inadéquats » en société pour obtenir l’attention qu’il souhaite.

Concrètement, ceci peut prendre la forme de moments d’accueil formalisés, sous forme de rituels ou de routines, durant lesquels les enfants peuvent prendre la parole et exprimer comment ils se sentent, par exemple.

Cela implique une forme d’humilité de la part de l’adulte dans la relation éducative. Il s’agit parfois de remettre en question des idées préconçues sur la « bonne » manière d’éduquer. Certaines d’entre elles ne fonctionnent pas. Comme l’enfant pris dans ses conditionnements, l’adulte doit effectuer un travail sur ses propres émotions et manières de faire héritées afin de réaliser un travail efficace (prise de conscience, accueil, choix de nouvelles stratégies en regard des conséquences…).

Recommandations

Nous nous situons dans un paradigme éducatif et culturel visant à prendre en compte la réalité de l’enfant et de partir de son vécu afin de l’émanciper en tant que citoyen. Il ne s’agit pas de décider à sa place comment se comporter ou de lui inculquer un rapport à ses émotions.

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