Un grand humaniste nous a quitté (2008)
Un hommage initialement publié dans la revue trimestrielle de l’Université de Paix, par Manfred Peters, Président du Conseil d’administration.
L’Université de Paix garde le souvenir de l’artisan de paix, du brillant conférencier en matière de dialogue, du gestionnaire avisé, de l’ami attentionné et toujours disponible.
Mais Raymond Vander Elst (1914-2008) était aussi un éminent professeur à l’Université Libre de Bruxelles qui a formé des générations de juristes. En sa qualité d’enseignant et de chercheur, d’autres personnes lui ont rendu hommage.
La rencontre entre le professeur bruxellois, libre penseur, et Dominique Pire, prêtre catholique, a eu lieu dans le train de nuit Bruxelles – Milan. Et ce fut « le début d’un dialogue qui allait devenir un dialogue vrai, doublé d’une amitié, d’une confiance et d’un esprit de collaboration sincères ».
Dans le livre Vivre ou mourir ensemble dont il a assumé le travail d’édition, Raymond Vander Elst en parle en ces termes :
Je dis sincères. Tout le secret du dialogue est là. C’est par là qu’il se distingue de l’échange de vues, du contact intellectuel, de la discussion et de ce faux dialogue qui se galvaude dans le langage, dans les discours et dans les déclarations officielles. On prétend dialoguer alors qu’il s’agit de convaincre, de démontrer qu’on a raison, ou tout simplement de tolérer que d’autres n’accèdent pas à la vérité que l’on possède. Formes insidieuses de l’apostolat quand ce n’est pas l’indifférence. On reste en deçà de sa propre frontière. Tout au plus admet-on que l’autre soit au seuil, dans l’antichambre, « la salle d’attente de la bonne doctrine ». Le dialogue est bien différent. On passe au-delà de la frontière. De cœur et d’esprit, pendant le temps du dialogue, on la traverse pour essayer de se mettre à la place de l’autre. Non avec l’arrière-pensée de convertir – cette tendance à la « conversionite à retardement » qui inspire le faux dialogue de ceux qui croient être seuls à détenir « la Vérité » – mais avec la volonté de ne rien cacher de soi-même et de comprendre, de juger et d’apprécier ce qu’il y a de vrai, de bon et d’utile dans la pensée, le sentiment et l’action de l’autre.
Cette rencontre a appris aux deux hommes ce que veut dire la phrase de Saint-Exupéry : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente ».
Raymond Vander Elst a accompagné les destinées de l’Université de Paix durant plusieurs décennies, en tant que président du Conseil académique (avant la présidence de celui-ci par le professeur Alfred Kastler), en tant qu’orateur à d’innombrables sessions internationales, en tant que conseiller juridique également.
Merci, cher Raymond, pour ton ouverture de cœur et d’esprit, ton engagement sans faille, ton amitié aussi. Que de fois avons-nous organisé des réunions dans ton appartement, alliant le travail sérieux à des agapes conviviales ! Tout comme Dominique Pire, tu nous a montré, en le pratiquant, que le dialogue représente, dans un monde inévitablement pluraliste, le seul espoir de paix dans l’incertain devenir de l’humanité.