Depuis 2010, l’Université de Paix propose des conférences et modules de formation de deux jours avec Christian Vanhenten : AïkiCom, approche corporelle de la communication et de la résolution non-violente des conflits inspirée de l’aïkido.
L’AïkiCom, approche corporelle de gestion des conflits
Par Christian Vanhenten – Professeur d’aïkido (troisième dan), Maître-praticien en PNL. Article initialement paru en 2010, dans le trimestriel de l’Université de Paix.
L’AïkiCom vise à apprendre et intégrer corporellement des principes de communication avec soi et avec les autres. Les qualités évidentes de l’aïkido en matière d’intelligence émotionnelle sont transmises par une pratique corporelle qui fait le lien avec les principes de l’aïkido mais également avec ceux d’autres approches telles que la PNL (programmation neuro-linguistique), l’AT (Analyse Transactionnelle) ou encore la Communication Nonviolente.
L’aïkido est un art martial qui consiste à utiliser et à canaliser les énergies
Le conflit est l’expression d’un désaccord. En ce sens, il n’a rien de négatif en soi. Il est le signal que quelque chose ne va pas et qu’il est nécessaire de communiquer pour trouver une solution. Pourtant pour beaucoup le conflit est vu comme quelque chose de négatif. C’est que le conflit peut devenir affrontement s’il n’est pas géré de manière adéquate.
En fonction de nos expériences, nous avons développé des stratégies diverses face aux situations conflictuelles.
Certains sont passés maîtres dans l’art de les éviter. Ils se garderont de prononcer les mots qui fâchent, la moindre parole qui pourrait faire dégénérer la discussion en dispute. Ceux-là dépensent une énergie folle à contenir la pression de leurs émotions intérieures. Ils ont opté pour la paix avec les autres quitte à déplacer le conflit à l’intérieur d’eux-mêmes.
D’autres préfèrent la manière forte. Ils affûtent leurs armes pour vaincre l’autre. Leur slogan : la meilleure défense, c’est l’attaque. Cette démarche n’est pas moins énergivore que la première.
Carine est intervenante sociale. Elle travaille en équipe mais les relations sont tendues. L’équipe est sous stress en permanence par manque de personnel. Lors d’une formation, elle m’explique que dès la première réflexion qu’elle estime déplacée elle préfère attaquer. Elle en arrive à faire pleurer ses collègues. « Comme ça j’ai la paix pour la journée » me dit-elle. Elle a le verbe facile et la répartie cinglante. Elle semble satisfaite de sa manière de faire mais, lorsqu’au détour de la conversation, je lui demande « ça doit être fatiguant non ? », elle soupire, se détend sur sa chaise et lâche en soupirant un « oui » qui en dit long. Mais pour elle, fatiguant ou pas, elle n’a pas le choix. C’est çà ou s’écraser. Et ça il n’en n’est pas question.
La gestion des conflits ça s’apprend.
A force d’essuyer les plâtres, on se rend compte que l’on a besoin d’apprendre des techniques verbales, des grilles de lecture, des modèles pour ne pas basculer dans l’escalade.
Mais lorsque les enjeux sont importants, lorsque la personne en face de soi est une personne qui compte beaucoup pour nous ou si elle nous connaît bien et sait les mots qui nous font bondir, les émotions peuvent être fortes et le risque de retomber dans nos vieux schémas de comportements est alors très fort.
L’AïkiCom apporte une solution pour sortir de cette apparente fatalité.
En se basant sur l’aïkido, un art martial japonais non-violent, l’AïkiCom introduit un troisième acteur pour rétablir le dialogue entre notre pensée et nos émotions : le corps.
Lorsque les émotions nous submergent, notre pensée est court-circuitée, notre neurobiologie active des schémas de survie qui se conjuguent sous trois modes : l’attaque, la fuite ou l’immobilité. Dans cette situation notre corps peut être une ressource précieuse pour revenir à soi.
Les techniques de l’aïkido nous apprennent à nous défendre contre des attaques sans chercher à vaincre l’autre en retour mais plutôt en lui démontrant l’inutilité de son attaque. L’aïkido se base sur un certain nombre de principes que l’on trouve dans d’autres approches et arts martiaux mais, ce qui fait son originalité, c’est sa manière de matérialiser ces principes dans les mouvements et de les inscrire ainsi dans notre corps.
Citons par exemple le centrage qui peut être défini comme la capacité d’être pleinement soi en contact avec nos besoins, nos valeurs. En aïkido une personne centrée est nettement plus stable et sera moins vite déséquilibrée par son partenaire.
Les attaques en aïkido sont vues comme des occasions de transformer l’énergie de l’agression en quelque chose de nouveau. Au quotidien, cela se traduit par le fait de gérer les interactions d’un conflit et de désamorcer l’agressivité pour rétablir les conditions du dialogue. L’objectif de l’aïkido n’est pas de vaincre mais bien de créer les conditions d’une nouvelle forme de coopération. Cela peut paraître utopique. Pourtant cela ne l’est pas. Lorsque l’on s’inscrit dans une logique de bienveillance, l’autre sent très vite qu’il a plus à gagner par le dialogue que par les échanges d’argument où plus personne n’écoute l’autre, trop occupé que l’on est de préparer la prochaine réplique.
L’aïkido offre une solution pour échapper au dilemme attaquer-laisser faire. Cette voie médiane je l’appelle l’ « attitude Aïki ». Aï en japonais signifie harmonie ou concordance, Ki signifie l’énergie vitale, c’est l’énergie qui est présente dès que des êtres vivants sont présents. L’attitude Aïki peut donc être définie comme étant une attitude visant à générer de l’harmonie entre les êtres vivants dans le respect de chacun. Avoir l’attitude Aïki, c’est vivre en restant présent à soi, dans le respect de ses valeurs et communiquer avec l’autre avec le même respect. Toute tentation de manipuler l’autre pour atteindre son objectif est écartée, seule compte l’intention de créer des synergies pour trouver des solutions qui rencontrent les objectifs de chacun. Et si l’autre, malgré mes efforts pour créer les conditions d’une collaboration, ne veut pas collaborer, c’est son choix. Je peux alors décider d’interrompre la collaboration jusqu’à ce qu’il revoie sa position ou me tourner vers quelqu’un d’autre. En aucun cas je ne dois me sacrifier pour le satisfaire. Je reste moi-même et j’apprends de cette expérience.
Même si rien ne peut remplacer les heures passées sur les tatamis des dojos d’aïkido, il est possible de découvrir dans son corps l’application concrète des principes fondamentaux d’une communication visant à favoriser la coopération plutôt que la compétition. Ces sensations corporelles deviennent alors une ressource précieuse qui peut nous aider dans toutes les situations de conflits.
C’est ce que propose l’AïkiCom au travers d’exercices corporels tirés des mouvements de l’aïkido. Ces exercices viennent illustrer les concepts et sont complétés par des techniques verbales qui transposent dans le langage les mouvements de l’AïkiCom.
Ainsi il devient possible d’ancrer dans les mots et dans les gestes des compétences essentielles pour gérer les discussions difficiles et découvrir expérience après expérience comme vivre au quotidien dans l’attitude Aïki.