En 2008, le Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels fête ses 10 ans. Créé en 1998 pour répondre aux attentes de personnes désireuses de recevoir et d’assimiler progressivement des savoirs, des savoirs-faire et des savoirs-être en gestion positive des conflits, une première formation de longue durée était proposée. Une grande aventure commençait…

Un article rédigé par Mireille Jacquet, paru initialement dans le trimestriel de juin 2008.

Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels – dixième anniversaire

Historique

L’idée de proposer une formation longue en gestion des conflits interpersonnels nous est venue au départ de deux constats :

  • Le premier était la cohérence du programme de formations courtes proposées dans le cadre de notre axe de travail prioritaire «  La gestion positive des conflits ».
  • Le second résultait du nombre de personnes s’inscrivant à de multiples formations courtes durant le même exercice et dont les thèmes se succédaient dans la logique « connaissances de base- communication- gestion et résolution des conflits ».

Nous avons dès lors conçu un programme long constitué des formations de base à chaque niveau de notre axe de travail.

Au niveau du temps disponible pour la formation, un cycle long a deux avantages: d’une part, éviter les redites inévitables en modules courts et d’autre part, les participants se connaissant à partir du premier module, les présentations et l’expression des attentes ne sont plus nécessaires par la suite.

Le temps ainsi dégagé est investi dans l’ancrage des acquis, tant au niveau des savoirs que des savoirs-faire et savoirs-être.

Autre avantage du cycle long : les participants étant les mêmes durant tout le cycle, la confiance développée au fil des sessions favorise un travail en profondeur, un questionnement sur la durée et un enrichissement supplémentaire de par la vie du groupe.

Caractéristiques de l’encadrement

  • L’accueil des candidats retenus a lieu antérieurement au premier module de formation. Une soirée conviviale y est consacrée, soirée au cours de laquelle ils peuvent rencontrer l’ensemble des formateurs et plusieurs anciens certifiés.
  • Durant tout le processus de formation, l’accompagnement du groupe et la compétence des formateurs sont des éléments essentiels :
    • Dès la sélection des candidats jusqu’à la remise des certificats, un coordinateur est présent. Son rôle est capital. Il a en charge les contacts avec les candidats entre les modules, notamment via un forum Internet. Il est présent à la totalité de chaque module, fait les liens entre les modules, reçoit les devoirs demandés à la fin de chaque module et y réagit, réceptionne le travail écrit de fin de parcours et l’évalue, avec d’autres formateurs. Cette façon de procéder est fortement appréciée par les candidats. Elle participe à l’établissement et au maintien de la confiance dans le groupe et donc, consécutivement, à un investissement sincère et important de la part de ses membres.
    • Chaque module traitant d’une thématique précise, il est assuré par des formateurs choisis en fonction de leur compétence spécifique en la matière.
  • Finalement, les certificats, complétés et signés par les instances et les formateurs, sont remis aux candidats ayant satisfait aux différentes conditions de son octroi au cours d’une cérémonie suivie d’un cocktail dînatoire.

Évolution des contenus au fil du temps

Depuis 10 ans, les thèmes du Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels sont stables. A l’origine, la structure avait été longuement réfléchie et construite sur base de l’expérience engrangée au fil des années par les membres de l’équipe de formateurs de l’Université de Paix.

Les modifications et mises à jour des contenus sont réalisées chaque année suite aux évaluations apportées par les participants et les formateurs. Certains modules ont été amplifiés (par exemple : l’écoute) ; pour d’autres, c’est l’aspect pratique et concret de la formation qui a été mis plus en avant (par exemple : les bases de la communication).

Concrètement, le Certificat se compose de 9 modules abordant chacun une thématique distincte bien que liée aux précédentes :

  1. Le premier week-end permet aux participants d’une part, de prendre leurs repères et au groupe de se former et d’autre part, d’aborder la notion de conflit et d’analyser les attitudes possibles en situation conflictuelle.
  2. Lors du deuxième week-end, nous explorons notre système de perception, nos représentations mentales de l’univers ainsi que la dimension non-verbale de la communication, notamment par le biais d’exercices filmés et analysés.
  3. Ce module permet de découvrir un outil de prévention par excellence : l’écoute ! Eviter les message risqués, s’exercer à la reformulation, pratiquer l’écoute active, …en sont les principaux ingrédients.
  4. Le quatrième quant à lui, aborde l‘assertivité : apprendre à refuser sans agressivité, critiquer et recevoir une critique, faire une demande en s’affirmant.
  5. L’introduction à la Communication Nonviolente (selon la méthode de M. Rosenberg) vient conclure ce chapitre des multiples facettes de la communication et des outils qui en découlent.
  6. Le module suivant est consacré au phénomène du pouvoir : comment concilier les outils découverts avec cette chose complexe à définir, à percevoir, à maîtriser…Spécificité de ce week-end : aucun contenu théorique n’est fourni au cours du week-end. Seule l’expérimentation – et son évaluation consécutive- comptent.
  7. Ce week-end permet la mise en œuvre de l’ensemble des acquis en pratiquant un mode de gestion de conflits : la négociation. Les conditions, avantages et désavantages de cette méthode de résolution des conflits étant précisés, le travail est axé sur la négociation coopérative.
  8. Ce week-end permet la mise en œuvre de l’ensemble des acquis en pratiquant un mode de gestion de conflits : la médiation : la communication des spécificités et des conditions de ce processus, son esprit et les règles de fonctionnement se fait majoritairement durant les évaluations consécutives aux mises en situation issues de cas vécus par les participants.
  9. Le dernier module est un « training », une pratique intensive : ultime occasion pour les participants de tester leurs compétences à partir de situations concrètes, c’est aussi un temps d’évaluation personnelle et de mise en perspective des acquis.

Publics

Si nous constatons une relative stabilité du contenu, le public a quant à lui évolué au cours de ces 10 années.

A l’origine, notre objectif était de travailler avec les acteurs du secteur socio-culturel de la jeunesse. Ce public est toujours majoritaire aujourd’hui. Cependant, nous constatons une présence de plus en plus importante de candidats du secteur public et du  secteur privé : responsable de services des ressources humaines, docteur en médecine, chef d’entreprise, membre de coopérative, photographe,… ont participé ces dernier temps à notre formation.

Nombre de personnes

Comme il est d’usage pour nos formations de courte durée, nous privilégions les groupes restreints. Le nombre de participants est limité à 18 personnes, ce qui permet une dynamique de groupe enrichissante tout en laissant la place à l’individu.

En dix ans, ceci représente 180 candidats, dont 136 ont été certifiés (sans tenir compte des certificats à la demande).

Attentes des participants

Les attentes des candidats sont majoritairement d’acquérir et de développer des outils concrets transposables dans leurs activités professionnelles, associatives, voire dans leur vie familiale.

Un des éléments recherchés et attendus de notre programme est son éclectisme -au niveau des portes d’entrée du travail en gestion des conflits- dans l’homogénéité de la démarche.

Nous constatons régulièrement que les candidats au Certificat sont dans une démarche continuée : certains ont déjà vécu une première expérience de formation et souhaitent l’amplifier, la poursuivre. Pour d’autres, notre cursus est un tremplin vers des formations plus ciblées (par exemple, les graduats en médiation) ou constituant un approfondissement plus théorique d’une matière.

Témoignages de participants

De toute évidence, le fait d’avoir suivi cette formation longue qu’est le Certificat a des retombées sur la manière dont les candidats vivent dans leurs milieux professionnel et autres.

Certains ont changé d’orientation, d’autres ont créé des associations, des programmes de formation,…

Ainsi, Ahmad Aminian, médiateur scolaire, propose -avec ses collègues d’une association-  une formation longue sur la «  Gestion de la diversité culturelle ». Florence Buseyne, quant à elle, collabore depuis 2003 au projet «  Citoyenneté et reconstruction du dialogue » réalisé en Algérie sous la coordination d’une ONG italienne, le CISP. C’est par son intermédiaire que, deux ans plus tard, l’Université de Paix a rejoint le projet pour y assurer la formation des formateurs algériens.

Mais, laissons plutôt la plume à quelques certifiés :

« En m’ouvrant des pistes pour remplacer mes conditionnements initiaux face à une situation de conflit, le certificat m’a certes bousculée, mais surtout, permis d’élargir les possibles. Je dispose désormais de leviers pour initier ou maintenir le dialogue et rechercher une ou des solutions plus créatives où ce n’est plus forcément ma solution ou celle de mon interlocuteur qui prime, mais notre ou nos solutions.

A chaque week-end, des phrases clés, fils rouges de nos travaux, se sont ancrées en moi et font désormais parie intégrante de ma « trousse de survie » pour renforcer mes compétences relationnelles, tant au niveau professionnel que personnel ».

Ambre Dierckx – travailleuse sociale dans une mission locale pour l’emploi et la formation

« L’Université de Paix et sa bande…

Il y a la formation, son contenu… Et puis, la façon de la faire passer. Sentir que les formateurs sont vraiment portés par cette façon de communiquer et de vivre avec les autres, c’est vraiment réconfortant et apaisant. Savoir que quelque soit mon implication, mon ressenti, je suis respectée dans cela, ça a compté pour moi et ça m’a donné d’autant plus envie de m’impliquer.

Puisque la vie est mouvement et expérimentation, cette formation s’inscrit vraiment dans l’élan de la vie »

Véronique Schrive – Centre de la Petite Enfance, Lambersart

« Je fais partie d’une petite équipe de développement de l’agriculture paysanne et bio ; nous sommes 4 bénévoles avec un attaché pédagogique comme salarié. Par ma participation au Certificat, j’ai amélioré ma capacité à clarifier les situations, à mettre les conflits à leur niveau, à comprendre les blocages et nos besoins respectifs. Tout ceci nous permet de mieux utiliser les énergies du groupe et de mieux nous organiser. J’utilise aussi des mots positifs. Exprimer les situations peut se faire de tant de manières, et il y a celles qui ouvrent vers les possibles…J’apprends aussi à « sentir » et à formuler les malaises et les non-dits. Cette dynamique positive me permet d’entrevoir un rassemblement des forces alternatives paysannes wallonnes »

Michel Glibert – agriculteur

« Tout au long des sessions, des prises de conscience se sont faites en moi, par exemple sur ma manière d’inter-« prêter-agir-venir ». Cette conscientisation m’a permis de prendre une certaine distance et donc d’avoir une autre vision de mes comportements, des agissements d’autrui et d’ouvrir d’autres angles de vue sur les situations à gérer.(…) Grâce à cette formation et forte de l’impact qu’offre les outils de gestion de conflits, je suis aujourd’hui en charge, au Luxembourg, d’un partenariat entre GP3-groupe conseil en entreprises (dirigé par un ancien certifié de l’Université de Paix : le monde est petit) et l’Université de Paix. »

Bénédicte de Gruben – Coordinatrice et présidente du musée pour enfants, l’A-Musée [désormais représentante du Réseau Université de Paix au Luxembourg]

Qui valide le contenu des formations ?

« Le savoir ne vaut que s’il est partagé » peut constituer le leitmotiv du travail des formateurs de l’Université de Paix.

Les contenus de formation sont élaborés,  évalués, adaptés en équipe en fonction des expériences accumulées. A chaque programmation du Certificat, l’ensemble du programme fait l’objet d’une attention particulière : contenus et méthode de travail sont revisités et fixés sur base d’un consensus.

La formation des formateurs est diversifiée : licenciés en psychologie -orientations « éducation » et « développement et société », sociologues, éducateurs, licencié en pratiques de formations, licencié en droit… Tous ont le grand avantage de travailler sur le terrain et de pouvoir ensemble évaluer et analyser leur pratique afin de l’améliorer au quotidien.

Cette orientation pragmatique et collective constitue une caractéristique du modèle de formation mis en place.

Quel équilibre entre les enseignements théoriques et les pratiques ?

Nous accordons une très grande importance à la pratique. Nous avons coutume de dire aux participants qu’ils ont l’opportunité de travailler «  en laboratoire » et en toute confidentialité : exercices multiples, mises en situation, jeux de rôle, questionnaires, grilles d’analyse, positionnements, …, et leurs évaluations représentent certainement 75% du temps de formation.

Au niveau théorique, un syllabus relatif à chaque module est remis à chaque participant. D’autre part , la théorie est injectée durant la formation en fonction des nécessités et opportunités. Ainsi, une introduction à la thématique du module est réalisée en début, chaque phase ou exercice est situé dans le cadre et est suivi d’une évaluation durant laquelle de nouveaux éléments théoriques sont apportés en fonction du vécu et des questionnements.

Durée

La durée du certificat est de 108 heures de formation réparties sur 9 week-ends à raison d’un week-end par mois de septembre à mai.

En sus des heures de formation, des « devoirs » sont demandés après chaque session et, en fin de parcours, chaque participant est tenu de remettre un travail écrit de synthèse et d’analyse.

Pourquoi un Certificat ? Quelle valeur ?

Le Certificat que nous délivrons certifie la participation du candidat à la totalité des modules de formation et la remise des devoirs et travail écrit demandés.

Au départ, nous pensions que ce certificat aurait comme valeur, la seule valeur symbolique que le candidat lui donnerait. Au fil du temps, nous nous sommes aperçus que la valeur symbolique était dépassée. Repris comme élément dans les curriculum vitae, il est devenu une référence de formation congruente, pratique et de qualité.

Recherchez-vous une reconnaissance de l’État, d’une université ?

En proposant le certificat, nous avons voulu donner aux personnes souhaitant développer une démarche de gestion positive des conflits, l’opportunité de se former concrètement selon un schéma relativement léger et en groupe restreint. L’apprentissage et l’acquisition des outils se font progressivement dans un mixte entre, d’une part, les attentes particulières et le niveau des candidats et, d’autre part, le programme fixé. Il est, pour nous, très important d’accompagner le groupe et ses membres dans leur parcours évolutif sur ce thème précis.

Le certificat est-il connu ?

La réponse à cette question peut être oui et non. Il est bien connu dans notre milieu de prédilection : le secteur associatif au sens large du terme. De part la profession des candidats, nous constatons qu’il est de plus en plus connu dans les milieux de profession libérale comme dans les secteurs spécifiquement sociaux.

Dès le départ, nous avons eu conscience de répondre à une réelle demande. Je me souviens de mon étonnement en août 1998 : je rentrais de vacances en me demandant si notre nouveau projet (le certificat, donc) avait suscité quelques demandes d’inscription : 53 candidatures m’attendaient! Depuis lors, le nombre annuel de candidatures reste similaire et la (re-)connaissance de sa pertinence ne fait que croître.

Le fait que les certifiés le mentionnent tant dans leur CV que dans leurs titres lorsqu’ils donnent eux-mêmes des formations, des conférences… contribue évidemment aussi à le faire connaître.

Depuis quelques années, des groupes constitués nous demandent de réaliser un programme de certificat spécifiquement pour eux.

Ainsi, pour l’instant, nous terminons un certificat pour une association belge « Les 3 Pommes » dont l’objet social est de travailler avec des jeunes placés en maison d’accueil.

En France, le Certificat a été réalisé pour le Centre de la Petite Enfance dont le projet est la « bien-traitance » de la petite enfance, à Lambersart.

Pour ces demandes comme pour les autres, le contenu global du programme est similaire à celui que nous proposons annuellement mais est traité de manière à correspondre au milieu concerné. Les outils doivent être transposables dans le travail quotidien de chacune de ces équipes.

Pour répondre aux demandes d’animateurs de jeunes, de quartiers…, nous proposons depuis septembre 2007, un Certificat en prévention et en gestion des conflits dans les groupes d’enfants et d’adolescents [Désormais Brevet en gestion des conflits avec les jeunes (5-17 ans)].

La différence fondamentale entre les deux certificats est évidente : il s’agit ici de contenus et d’outils transposables très rapidement dans les groupes de jeunes. Le modèle est largement inspiré de notre programme « Développement des habiletés sociales » et « Graines de médiateurs », formation longue réalisée depuis plus de 15 ans, principalement dans les écoles.

Ce programme fait l’objet d’une recherche-action au niveau européen et bénéficie du soutien de municipalités et de fondations. Il a été mis à l’honneur dans le cadre de la 10ième réunion des coordinateurs du Programme « Éducation à la Citoyenneté » du Conseil de l’Europe.

Dans le cadre du dixième anniversaire de ce Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels, certifiés et formateurs se retrouveront le vendredi 23 mai 2008 pour échanger sur l’impact de cette formation au fil des ans.