Patricia WASTRAT a participé au Certificat en gestion positive des conflits interpersonnels durant l’année culturelle 1999-2000. Dans cet article, Patricia Wastrat nous fait part de comment l’Université de Paix a contribué à l’installation de la fonction de médiation dans le cadre de la nouvelle loi sur les droits du patient.
Un article initialement paru dans le trimestriel n°86, en mars 2004.
Médiation en pédopsychiatrie
Il y a quelques années, j’ai suivi à l’Université de Paix le certificat de base en gestion positive des conflits interpersonnels. Les séminaires étaient passionnants et en particulier les week-ends sur la médiation et sur la Communication NonViolente. J’ai donc pris part à plusieurs formations complémentaires en Communication NonViolente et en médiation. Deux ans plus tard, j’ai pu travailler dans un projet pilote de médiation en santé mentale. Après un an et demi de recherche-action, une fonction de médiation est devenue obligatoire dans les hôpitaux, en application de la loi sur les droits du patient du 22 août 2002. J’exerce cette fonction dans plusieurs hôpitaux psychiatriques.
Les droits du patient tout comme la médiation, trouvent leurs fondements dans les droits de l’homme.
La fonction de médiation a les missions suivantes, décrites par l’article 11 de la loi sur les droits du patient :
1) la prévention des questions et des plaintes par le biais de la promotion de la communication entre le patient et le praticien professionnel;
2) la médiation concernant les plaintes en vue de trouver une solution;
3) l’information du patient au sujet des possibilités en matière de règlement de sa plainte en l’absence de solution;
4) la communication d’informations sur l’organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de la fonction de médiation;
5) la formulation de recommandations permettant d’éviter que les manquements susceptibles de donner lieu à une plainte, ne se reproduisent.
Ma fonction est souvent perçue par les soignants comme une attaque de leurs compétences et surtout de leurs compétences relationnelles- puisque la relation c’est le business de la psychiatrie-. Aussi, quand je commence à travailler dans un hôpital, j’essaye d’abord de comprendre comment la fonction de médiation peut être une aide aussi pour les soignants, dans cet hôpital-là. Je ne suis pas au service des patients ni au service des soignants. Je suis au service de la relation que ces patients ont avec les soignants de l’hôpital dans lequel ils séjournent pour un temps plus ou moins long. Cette relation existe dans le cadre des droits que la loi reconnaît aux patients, qui sont essentiellement de recevoir des soins de qualité, d’être informé de son état et de son évolution probable et de consentir à son traitement.
Quand cette étape est terminée, alors seulement, j’informe les patients, par des réunions, un dépliant, des affiches…
Si un patient vient me trouver, lorsque sa demande est devenue claire pour lui et pour moi, j’essaye de voir quelles sont les démarches qu’il peut entreprendre sans moi. Je les prépare avec lui s’il le demande ; et si à la fin de ce processus, une médiation avec un soignant (médecin, infirmières, aide-soignant…) est souhaitée par le patient, je l’organise. J’invite le soignant à venir s’entretenir avec moi et le patient de ce qui, pour le patient s’est mal passé, l’a choqué, ou de ce que le patient refuse, ou de ce qu’il demande et qui ne trouve pas de réponse selon lui : le soignant est libre d’accepter ou non cette invitation.
J’assure la fonction de médiation pour les hôpitaux psychiatriques des provinces de Brabant et du Luxembourg où 40% des patients sont des enfants ou des adolescents. Comment leur expliquer en quoi consiste cette fonction ? J’ai été rapidement à cours d’idées et il m’a semblé que ces jeunes patients oubliaient rapidement ce que je pouvais leur proposer comme soutien au cours de leur hospitalisation (qui est souvent de plusieurs mois). Je me suis souvenue du travail réalisé par l’Université de Paix dans le milieu scolaire : deux cassettes existaient : « Graines de médiateurs » et « Médiateurs en herbe » (2). J’ai choisi celle qui racontait en images une médiation menée par des enfants pour aider deux jeunes garçons à résoudre la dispute qu’ils avaient eu à la cours de récréation. J’ai fait cette expérience dans plusieurs unités pédopsychiatriques, toujours avec grand succès. Parfois, nous avons seulement regardé la cassette ensemble ; parfois, nous avons ensuite fait des jeux de rôles : les enfants apportaient alors des situations vécues qui permettaient de préciser le cadre de mon travail. Lors de ces jeux de rôles, les jeunes jouaient tous les rôles : ceux des adultes-soignants, leurs propres rôles de jeunes et celui de co-médiateur.
Le fait de voir d’autres jeunes, dans un cadre familier -l’école, organiser eux-mêmes une médiation, a certainement contribué à la compréhension de ma fonction, tout à fait nouvelle dans un hôpital. La clarté du processus illustré dans la cassette a aidé les jeunes à respecter le climat d’écoute nécessaire lorsqu’ils ont eux-mêmes demandé une médiation avec un soignant.
Par ailleurs, le fait que le processus illustré dans la cassette de l’Université de Paix soit basé sur la communication non-violente a aussi son importance. Parler de ce qu’ils ressentent et rechercher ce dont ils ont besoin est une démarche accessible à ces jeunes. Cela leur donne l’expérience qu’il est possible de créer un contexte de dialogue avec des adultes, alors que souvent l’expérience qu’ils ont eue en dehors de l’hôpital est celle de relations chaotiques.
Enfin, la médiation pratiquée avec l’outil de communication non-violente fait écho à des valeurs importantes qui sous-tendent la loi sur les droits du patient : l’autonomie et l’égalité.
La fonction de médiation dans les hôpitaux soutient l’autonomie des patients ; elle permet aux personnes qui vivent dans un hôpital psychiatrique de découvrir une part de leurs potentialités propres et de les mettre en œuvre, avec le soutien de la personne qui assure la fonction de médiation. Un autre des objectifs des auteurs de cette loi est de tenter de rétablir des liens d’égalité entre les soignants et les soignés, ce qui en psychiatrie ne va pas du tout de soi
Pour conclure, je dirais que la médiation va souvent plus loin que l’amélioration du lien entre le patient et le soignant, elle va plus loin que retrouver confiance dans le soignant ; elle a un effet sur la confiance des citoyens dans les institutions de leur pays, dans la recherche de nouvelles valeurs de société. Le travail de médiation est aussi un travail de rétablissement de lien social. Dans le cadre de la pédopsychiatrie, soutenir ces valeurs est un travail important. Et la contribution que l’Université de Paix apporte par les formations qu’elle dispense et les outils qu’elle met à disposition en est d’autant plus précieuse. Je lui suis reconnaissante de m’aider de cette façon à assurer la fonction de médiation dans les hôpitaux pédopsychiatriques.