Marie Noëlle Heymans : « Une véritable intimité se crée dans ce groupe et m’a permis de tester des attitudes que je n’aurais pas osées ailleurs »
« Les progrès se font parfois lents mais les habitudes de changement sont enclenchées… »
Madame Marie Noëlle Heymans, vous avez suivi le Certificat en gestion de conflits interpersonnels,
Julien [J.] : Qu’est-ce qui vous a plu particulièrement dans ce programme ?
Marie Noëlle Heymans [M. H.] : L’intérêt d’un tel programme est le travail « au long court », si je puis dire. Le travail se fait de mois en mois par petites touches. Et en fin de compte, lors du bilan, j’ai observé chez moi un véritable changement en profondeur.
Je nommerai trois ingrédients qui ont fait que « la sauce a pris » :
1- le groupe : tout est mis en place pour que le groupe se prenne en charge, se responsabilise. Une véritable intimité se crée dans ce groupe et m’a permis de tester des attitudes que je n’aurais pas osées ailleurs. Le changement se teste en séance pour ensuite être davantage utilisé dans le quotidien entre les séances.
2- le coordinateur de la formation : à chaque séance, l’université de Paix invite un intervenant différent, particulièrement expérimenté dans le domaine concerné. Pour que cette formation ait une cohérence malgré la succession des intervenants, un coordinateur participe à toutes les séances et a pour mission de nous encourager à faire les liens entre les différents thèmes, il accompagne les trajectoires de chacun. Il s’agit là d’un rôle discret mais tout à fait important.
3- La progression des thématiques : Ces thématiques visaient tout autant à nous donner de nouvelles lunettes pour décoder nos interactions quotidiennes mais aussi pour nous outiller dans notre communication. En d’autres mots, elles m’ont permis d’être un peu plus lucide sur moi-même et plus outillée dans la relation aux autres.
J. : Que retirez-vous de cette expérience, d’un point de vue tout à fait personnel ?
M. H. : Le message que je retiens le plus, le plus marqué en moi, je l’ai entendu à la première journée du premier week-end : « Le conflit n’est qu’un désaccord. Il est pris dans un maillage fait d’émotions que chacun gère plus ou moins bien, d’enjeux, de contexte, de place des uns et des autres, d’une dimension temporelle, … En lui-même, le conflit, ce n’est pas grave ! »
Formidable découverte !
Ce jour-là, le conflit a cessé d’être un gros méchant monstre que je dois éviter à tout prix. Cela a profondément modifié mon rapport aux autres.
J. : Utilisez-vous vous-même l’un ou l’autre outil de médiation proposé dans votre quotidien ?
Oui, très certainement au quotidien. Mon homme me dit régulièrement qu’il a été le premier bénéficiaire de la formation !
Les progrès se font parfois lents mais les habitudes de changement sont enclenchées…
Haim Ginott[1], un pédopsychiatre qui a mis au point des programmes de communication respectueuse dans les familles a écrit que cette approche peut se comparer à l’apprentissage d’une nouvelle langue, comme l’allemand ou le chinois. Et de plus, tout en apprenant ce nouveau langage, il fallait désapprendre l’ancien discours, issu d’une vie entière. Il serait assez normal que nous la parlions avec un certain accent; l’objectif étant que les générations qui nous suivent puissent l’intégrer comme une langue maternelle ! Beau programme, non ?
J. : Auriez-vous une anecdote, un petit récit ou autre à nous partager par rapport à votre expérience ?
M. H. : J’ai compris que ce que je découvrais en formation « percolait » dans l’éducation de mes enfants le jour où mon fiston âgé de 8 ans à ce moment-là m’a rapporté une discussion qu’il a eue avec son institutrice.
Assez turbulent, il était régulièrement accusé d’avoir donné des coups ou de participer à une bagarre. L’institutrice l’accusait parfois à tort, ce qui le mettait en rage. Un jour, alors qu’elle l’interpelle et qu’elle lui demande ce qu’il a fait à « x », il lui répond : « Je ne suis pas d’accord avec vous, je suis triste et fâché d’être accusé alors que vous n’avez pas vu ce qu’il se passe. Gérons ce désaccord ! » Mon fiston a été très content de me dire l’étonnement de son institutrice si peu habituée à un tel langage de sa part et surtout de son exploit à freiner l’explosion liée à la colère et à la dire avec des mots. En rigolant, il me dit : « Tu l’as expliqué à Papa, hier pendant le souper ! »
Notre famille est en apprentissage de cette seconde langue et je sais que cela prendra du temps pour tout le monde !
[1] Faber A & Mazlish E. (2001) « Parents épanouis, enfants épanouis, cultivez le bonheur dans votre famille », éd. Relations plus inc.