L’engagement politique et citoyen et la question de l’empreinte carbone (de la mobilité, de l’habillement, de la nutrition…) sont des sujets sensibles. Ils génèrent parfois des désaccords, des conflits, qui, mal gérés, peuvent véritablement dégénérer et mettre tout le monde mal à l’aise.
C’est dans ce cadre que l’Université de Paix a partagé des animations avec les festivaliers. Les participants ont notamment pu situer leurs attitudes par rapport à des situations concrètes, tâcher de distinguer les faits des interprétations, ou encore goûter à des activités de coopération et de créativité.
Les objectifs pour l’institution étaient les suivants :
Tout d’abord, sensibiliser les personnes de manière participative à l’idée que des thèmes délicats peuvent être abordés sans que cela ne tourne mal. Les désaccords font partie de la vie quotidienne : cela n’empêche pas que l’on défende des idées, que l’on s’engage politiquement, par rapport à l’empreinte carbone. Les ateliers avaient pour but de faire réfléchir activement chacun des participants qui le souhaitait sur les façons d’être et de dire les choses en conflit portant sur un thème environnemental, de manière à ce que chacun puisse se positionner en conscience à la fois par rapport à ses objectifs, mais aussi par rapport à la relation qu’il souhaite avec les personnes avec qui il est en désaccord ; que chacun puisse « juger en conscience » ou encore réfléchir à des solutions qui dépassent les oppositions. Il ne s’agit pas de « recettes miracles », mais bien d’outils à s’approprier et à utiliser à sa manière.
Ensuite, il s’agissait de faire cela de manière participative et ludique. Au lieu d’imposer du contenu aux personnes, il était question bien plutôt d’accueillir chacun avec ses attentes, questions et réflexions, et de passer un bon moment dans un cadre festif.
Enfin, l’idée était de rencontrer un nouveau public et de partager la réflexion portée par celui-ci…
Voici le récit des activités
1. Attitudes en conflit : comment je réagis en situation ?
Une des principales animations proposées invitait les participants à se situer dans une situation de désaccord concrète. Imaginez que vous êtes avec votre conjoint(e) et que l’un de vous veut acheter des fraises de Wépion (6€) et l’autre des fraises d’Espagne (1,5€). Comment réagissez-vous ?
Gilles, Anaël, Niko, Matt ou encore Viviane choisissent d’acheter les fraises qu’ils préfèrent et d’aller les payer à la caisse. Ils optent pour la compétition : leur solution prime sur celle de l’autre.
A l’inverse, Valérie, Guigui, Simon, Nic et Nad préfèrent acheter les fraises de leur conjoint : ils sont en accommodation. Ils effacent leur objectif au profit de la solution de l’autre, souvent pour lui faire plaisir.
Sim et Evi, eux, n’achètent aucune fraise : la situation les incommode trop, ils se replient et ils partent. Aucun partenaire n’a les fraises qu’il désire, aucun n’a son objectif, mais cela permet peut-être à chacun de se calmer…
Enfin, les plus nombreux dans cette situation-ci (Martin, Anthony, Martine, Julien, Vanessa, Céline, Patrice et d’autres) sont ceux à agir en compromis : on fait un peu 50-50, on achète les unes une fois et les autres la fois prochaine.
Cet exercice aux apparences anodines est en fait très riche en enseignements. Les attitudes possibles en conflit sont multiples, et nous réagissons tous différemment en fonction des contextes. L’idée n’est pas de dire qu’il existe des attitudes meilleures que d’autres (et encore moins des objectifs, solutions et valeurs qui priment sur les autres), mais bien de mettre en évidence les attitudes typiques, leurs avantages et inconvénients.
Par exemple, le repli peut être vu comme la moins bonne des solutions : personne n’a ce qu’il veut. Néanmoins, dans certains cas, il vaut peut-être mieux abandonner la discussion et s’en aller que de s’énerver davantage. La compétition peut également être une attitude bénéfique : si mon objectif est très important et que les impacts relationnels sont faibles, il est intéressant d’agir en tentant de convaincre l’autre, de le persuader. Dans certains cas, il n’est même pas question de négocier : si un enfant traverse la route et qu’il y a un camion qui fonce en sa direction, on le tire par le bras vers le trottoir, on ne commence pas à chercher un compromis avec lui ! L’accommodation est une solution qui convient bien si l’on veut faire plaisir à autrui, prendre soin de la relation et que les objectifs opposés ne sont pas très importants. Cependant, à toujours s’accommoder, accepter la solution de l’autre, on peut ressentir de la frustration, notamment. Enfin, le compromis, qui semble souvent mettre d’accord tout le monde, peut parfois prendre beaucoup de temps…
Il n’est donc pas question dans cette activité de prôner l’une ou l’autre attitude, mais bien de proposer aux personnes un outil de réflexion afin qu’elles puissent se positionner en conscience, en accord avec ce qu’elles souhaitent. Cela marche également pour « l’autre », dans la relation : quelle est l’attitude qu’adopte celui ou celle en face de moi ? Comment pourrions-nous bouger ensemble pour trouver quelque chose qui nous convienne mieux ?
Une formation de deux jours : Adapter son attitude face aux conflits
2. Faits, jugements, sentiments : à quoi ça sert ?
Une autre activité ludique consistait en une sorte de tombola. Les participants pouvaient piocher une capsule dans laquelle figurait un numéro.
S’ils piochaient 1 : ils étaient invités à dire ce qu’ils voient sur une image (les faits perçus), 2 : ce qu’ils pensent (un jugement) et 3, ce qu’ils ressentent (émotions, sentiments) par rapport à cette même image. Là encore, un module très court, mais très riche en débriefing et en partage de réflexion. En effet, on a pu constater très souvent que se limiter à dire strictement « ce que l’on voit » n’était pas chose aisée : on infère souvent des interprétations, des pensées.
Quand je vois un sourire, je pense que la personne est heureuse. Quand je vois un ours sur un morceau de banquise, je crois qu’elle est en train de fondre. Etc. Les images suscitent des pensées. L’idée n’est pas de dire que penser est négatif, mais bien de prendre conscience que nous inférons très rapidement. En conflits, tâcher de se limiter aux faits permet parfois d’éviter des malentendus ou les interprétations biaisées. De plus, ils permettent de donner de l’information plus précise à la personne qu’une pensée (si je dis à mon fils « je suis content(e) quand tu joues avec ta sœur », je lui donne plus d’informations sur son comportement que si je lui dis simplement « tu es gentil »). Là encore, il s’agit d’un outil qui permet de juger en conscience, ainsi que de décrypter les jugements que l’on reçoit et de les reformuler.
En ce qui concerne les sentiments, nous avons constaté que pour une même image, différents sentiments sont déclarés. Certains se sentent tristes quand d’autres se sentent heureux, et d’autres encore en colère. Nous ne ressentons pas les mêmes choses en situation : il peut être intéressant d’exprimer son ressenti, et de ne pas trop interpréter sur ce que ressent l’autre… Il a peut-être en effet des émotions diamétralement opposées aux miennes !
3. Coopération et vivre ensemble : tout un concept.
Dans l’activité de la tombola, nous avions glissé une quatrième possibilité. Si la personne tirait un 4, elle devait réaliser un petit défi de coopération, seule ou en équipe….
Si les personnes étaient deux, nous leur proposions de s’asseoir sur le sol jambes jointes et tendues, et de se relever ensemble, dos à dos… Si elles étaient quatre ou plus, elles étaient invitées à tenir la main d’un autre membre du groupe de manière à former un nœud complexe de personnes, pour ensuite se « dénouer ». Quelques secondes d’animation encore, pour pas mal d’enseignements.
Tout d’abord, sur le concept de coopération en tant que tel : contrairement à la compétition, on est ici dans une activité où l’on gagne tous ensemble, ou on perd tous ensemble. On ne joue pas les uns contre les autres, mais tous dans un but commun, ce qui n’empêche certainement pas de s’amuser ! Ensuite, sur la question du vivre-ensemble : ce type d’activité est excellente pour briser la glace, dans un groupe de personnes amenées à se connaître. Le contact physique, la question de la confiance et de la réalisation commune d’un objectif compte beaucoup. On pense également au team-building. Enfin, c’est aussi l’occasion de discuter à propos des croyances négatives qui peuvent nous limiter dans notre action : « je n’y arriverai pas », « c’est impossible », « je suis nul(le) »… sont des choses que nous avons entendues. Cela pousse parfois à abandonner, ce qui confirme la croyance initiale. Et pourtant, c’est possible !
Pour terminer, si les personnes étaient seules, nous leur proposions un exercice de créativité. Par rapport à un objet donné, les personnes devaient trouver 3 nouvelles utilisations possibles, en dehors de sa fonction initiale. La créativité, en situation conflictuelle, permet d’envisager des solutions qui sortent du cadre du désaccord, qui prennent distance, et donc de multiplier les issues positives possibles…